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Statue ou honte ? Comment le football doit-il se souvenir de l’époque de Roman Abramovich à Chelsea ?

Statue ou honte ? Comment le football doit-il se souvenir de l'époque de Roman Abramovich à Chelsea ?
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Les 19 années de Roman Abramovich en tant que propriétaire du Chelsea Football Club touchent à leur fin. L’impact qu’il a eu sur les résultats du club sur le terrain ne peut être surestimé. Il a repris une équipe qui n’avait remporté qu’un seul titre de champion dans son histoire. Cinq autres titres de Premier League ont été remportés sous sa direction. Sans parler des deux trophées de la Ligue des champions, des huit coupes nationales et des deux victoires en Europa League. Les trophées étaient une denrée rare lorsqu’Abramovitch est venu pour la première fois à Stamford Bridge. Aujourd’hui, ils sont obligatoires.

Mais ces derniers mois, la propriété du club par Abramovich s’est compliquée. Les liens présumés entre l’oligarque et le président russe, Vladimir Poutine, sont passés au crible. Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les liens d’Abramovitch avec le régime ont entraîné des sanctions de la part du gouvernement britannique. Sa réputation en a été ternie, ce qui a nécessité la vente du club.

Les fonds provenant de la vente de 4,25 milliards de livres sterling à Todd Boehly et Clearlake Capital ne profiteront pas à Abramovich et seront plutôt placés par le gouvernement dans un fonds destiné à des distributions caritatives aux victimes de l’invasion russe. Mais l’argent est noir et blanc. Il peut être déplacé et il peut être investi. Les réputations sont plus difficiles à manipuler. Malgré toutes les critiques dont Abramovitch a fait l’objet en raison de ses liens avec Poutine, une partie des supporters de Chelsea est prête à le défendre.

“#ThankYouRoman” a été diffusé sur Twitter à de nombreuses reprises depuis la confirmation de l’achat de Boehly. Le tweet d’Astrid Wett, une influenceuse de Chelsea, appelant à l’érection d’une statue d’Abramovitch devant Stamford Bridge, a recueilli plus de 4000 likes. Elle n’a pas été la seule à faire cette suggestion et à recevoir des centaines de réponses positives pour l’avoir fait. Une partie des supporters de Chelsea est très reconnaissante des années Roman Abramovich et le considère comme un héros malgré les réalités du conflit russo-ukrainien.

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On demande de plus en plus aux supporters de football de faire face à des dilemmes moraux dans le cadre de leur expérience. Les supporters de Manchester City et de Newcastle United ne peuvent échapper au spectre des auteurs de violations des droits de l’homme qui possèdent leurs clubs respectifs. Le patron des Magpies, Eddie Howe, s’est au moins vu poser la question, mais malgré toutes les louanges faites à City et à Pep Guardiola, tant de choses sont balayées sous le tapis de l’Etihad qu’il est impossible d’entrer dans le foyer sans trébucher sur une vérité qui dérange.

C’est maintenant au tour des fans de Chelsea d’être confrontés aux actions de leur propriétaire sortant. Pour certains Blues purs et durs, ils sont probablement reconnaissants qu’Abramovich s’en aille, emportant avec lui son bagage toxique. Mais d’autres se donnent beaucoup de mal pour l’aduler, même face à des dépêches quotidiennes poignantes sur la guerre en Ukraine. Les fans de football ne sont pas des politiciens ou des maîtres à penser, et on ne peut pas s’attendre à ce qu’ils adaptent leurs opinions à l’acceptabilité sociale. Mais en même temps, aucun trophée ne vaut une vie et, malgré l’âge d’or que Chelsea a connu sous la direction d’Abramovitch, une statue semble bien insensible.

Qu’on le veuille ou non, l’époque d’Abramovitch à Chelsea portera toujours un astérisque. La façon dont elle s’est terminée servira toujours d’épilogue aux joyeuses levées de trophées et au faste des héros du Bridge comme Didier Drogba, Frank Lampard et John Terry. Personne ne peut contester qu’Abramovitch était un propriétaire de club de football efficace, et on ne peut certainement pas reprocher aux supporters de Chelsea de regarder cette période avec tendresse. Ils ont vu leur club passer du statut d’équipe de coupe de milieu de tableau à celui de géant européen. Tout fan se réjouirait d’un tel parcours. Mais il est peut-être temps d’arrêter d’idolâtrer l’homme qui l’a financé.